Regrets et la culpabilité durant le deuil – « Si j’avais su… »

Si j’avais su…

Si j’avais su, j’aurais dû, il aurait fallu !

Le mail de V. est une sorte de cri de regret ! Comme dans tant d’autres lettres et mails reçus, il s’agit d’occasions manquées, de réconciliations non faites, de situations inachevées. Pour notre correspondante, c’est le décès subit d’un frère qui la touche particulièrement. Des conflits anciens, datant de plusieurs décennies avaient eu comme résultat l’éloignement de son frère et d’elle. Chacun avait suivi sa route en se créant une histoire qui justifiait l’absence de contact entre eux. Ils en étaient arrivés à se détester, chacun ajoutant des détails à l’histoire de leur conflit au cours des années.

Ces derniers temps, tout de même, suite au décès de son mari, V. avait pensé à plusieurs reprises que ce serait magnifique de pouvoir parler à ce frère et clarifier certains éléments de leur relation (ou de leur absence de relation !).

Hélas, elle n’avait jamais passé à l’acte.

Puis, il y a trois mois, coup de tonnerre dans le ciel bleu, le frère est décédé subitement d’un arrêt cardiaque.

La nièce de V., fille de son frère, lui avait envoyé un faire-part, avec un petit mot, « j’espère que tu viendras ». Après moult hésitations, V. est allée au service funèbre de son frère. « J’ai voulu m’asseoir tout au fond de l’Eglise, mais ma nièce m’a vue et m’a demandé de venir au premier banc avec elle et son mari et ses enfants. Mon frère était veuf et n’avait que cette fille. J’étais tellement émue, j’ai pleuré pendant tout le service. Ma nièce m’a remis une lettre que mon frère m’avait écrite quelques mois plus tôt, mais jamais envoyée. Il m’expliquait toutes les circonstances qui étaient à l’origine de notre conflit. Il disait à quel point cette cassure entre nous l’avait fait souffrir, combien il aurait souhaité me contacter, me dire ses condoléances à la mort de mon mari, et comment il se trouvait lâche de n’avoir pas agi. J’étais consternée, émue, touchée profondément. Si j’avais su ! »

Madame V. dit dans son mail qu’elle souhaite que je raconte son histoire pour rappeler aux lecteurs que la vie est courte, incertaine et qu’il ne faut pas remettre à plus tard les réconciliations pour éviter d’affreux regrets, et elle se demande pourquoi nous n’agissons pas en temps voulu.

Les obstacles à la capacité de vivre pleinement pour éviter les regrets

On peut considérer cette question à partir de différents points de vue.

  1. Il y a tout d’abord l’oubli de notre finitude. On vit comme si le temps nous appartenait, comme si « on avait tout le temps ». Même si l’espérance de vie augmente, la parole biblique reste vraie : vous ne savez ni le jour, ni l’heure.
  2. Il y a ensuite ce que l’on pourrait nommer ‘nos programmations’ : « C’est inacceptable, après ce qu’ils m’ont fait, c’est terminé, je n’aurais plus de contact avec eux ! » Nous avons tant de croyances, d’idées erronées, qui nous amènent à des fermetures à l’autre.
    En général, ces idées erronées prennent leurs sources dans la croyance que l’autre devrait être comme je voudrais qu’il soit, que ma façon de voir est la seule qui soit valable, que les choses devraient être autres que ce qu’elles sont.
    Il y a aussi cette fausse croyance qui veut que les gens ne changent pas : « Qui a bu, boira. », que les perceptions que l’on a des personnes sont figées pour toute la vie.
  3. Il y a aussi toutes les peurs qui nous habitent :
    • Peur de l’inconnu
    • Peur de changer
    • Peur du regard des autres
    • Peur de vivre

A cause de ces peurs, on est aveugle aux signes, aux opportunités, on en perd l’intuition.

Comment dépasser ces obstacles et vivre pleinement pour ne pas avoir tant de regrets

  • Il s’agit tout d’abord de prendre conscience de sa finitude, du temps qui passe, puis de devenir attentif à ce que l’on vit, de se « réveiller », de questionner ses croyances et ses habitudes, d’apprendre à vivre ici et maintenant. Le Swani Chidananda, l’écrivait ainsi :

    « Ce jour est un jour tout neuf
    Il n’a jamais existé
    Et il n’existera jamais plus
    Prenez donc ce jour et
    Faites-en une échelle pour accéder aux plus hauts sommets
     »

  • Trouver des moyens de se réconcilier, toutes les fois que c’est possible, c’est tellement positif psychologiquement, spirituellement et surtout suivre ses intuitions, « passer à l’acte » !

Ce qui frappe dans l’histoire de Mme V., c’est qu’elle et son frère ont désiré surmonter leur différend, et qu’ils n’ont pas été jusqu’au bout de leur envie. Il se sont donné 1000 raisons de rester dans ce mal-être, au lieu de prendre le risque de changer les choses, de faire confiance.

Tant de souffrances dans le monde diminueraient si nous étions tous capables de modifier les images figées que nous avons les uns des autres. Bien sûr que ce n’est pas toujours facile, on peut se faire rabrouer, rejeter dans nos tentatives de rapprochement. Pourtant, le jeu en vaut la peine. Le plus grand risque dans la vie, c’est de ne rien oser risquer !

A vous, chère correspondante, nous souhaitons la compassion pour vous-même et l’apaisement et à chacun de vous, amis lecteurs, le courage de prendre des risques et une bonne semaine.

Extrait des conversations de deuil de Vivre son deuil Suisse : https://www.vivresondeuil-suisse.ch/

Pour aller plus loin

Bernard Raquin, Se réconcilier avec soi et avec les autres, Ed. Jouvence

Kristin Neff, S’aimer – Comment se réconcilier avec soi-même, Ed. Belfond

Luc Bodin, Le grand livre de l’ho’oponopono, Ed. Jouvence

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