Deuil périnatal : l’évolution de la législation
On parle souvent du tabou qui entoure le deuil périnatal, de l’isolement dans lequel se retrouvent les parents touchés par cette terrible douleur. On regrette parfois les approches maladroites voir brutales des différents acteurs qui jalonnent notre parcours, les médecins, les services administratifs…
Mais nous mettons rarement l’accent sur tout ce qui a changé ces 15 -20 dernières années en France.
Des parents, des associations dont « L’Enfant Sans Nom – Parents Endeuillés » se sont battus pour faire bouger les mentalités et pour que les lois changent, pour que ces bébés soient reconnus comme des enfants tout simplement… et au fils du temps, ils ont été entendus.
Il est important que les parents touchés aujourd’hui et qui se sentent incompris réalisent que les mentalités changent, qu’elles ont déjà changées et que nous l’espérons elles changeront encore pour que ce deuil soit considéré à part entière comme tous les autres deuils et non plus comme « un petit deuil ».
A voir sur le même sujet : L’extrait vidéo « Deuil périnatal et travail : Entre législation et réalité de terrain » – Association Naître et Vivre
1901 Code napoléon : 100 ans avant que les mentalités changent
Le deuil périnatal est, selon la définition de l’OMS (Organisme Mondial de la Santé), la perte d’un bébé entre la 22ème SA (Semaine d’Aménorrhée) soit environ 4.5 mois de grossesse, et le 7ème jour de vie
Ce seuil des 22 SA a longtemps été la référence pour ce qui était de déterminer les droits et obligations pour ces bébés et leurs parents, selon qu’ils naissaient vivants ou non.
En effet jusqu’en 2001, ce n’est donc pas si vieux, les bébés nés sans vie avant le seuil des 28 SA révolues étaient considérés comme des produits de fausse-couche et traités comme des « déchets médicaux ».
Seuls les enfants nés sans vie à partir de 28 SA révolues (env. 6.5 mois de grossesse) étaient considérés comme tels. Des actes de décès étaient alors délivrés, l’inscription à l’état civil et la dotation d’un prénom, obligatoires, ainsi que l’’inscription sur le livret de famille (sauf pour les couples non mariés qui n’avaient pas ce droit s’ils n’avaient pas encore de livret, il fallait donc avoir eu un autre enfant vivant).
La maman pouvait bénéficier de son congé maternité et à compter de 2002, les papas on eux aussi pu prétendre à un congé paternité. Même si 11 jours peut paraitre assez peu pour pleurer son bébé et que les papas on tendance à vouloir se montrer forts en se plongeant dans l’activité pour faire face, il n’empêche que cette date a marquée la volonté de reconnaissance du deuil du père.
Pour les enfants nés vivants après la 22 SA révolues, la reconnaissance de ces tout petits était plus notable, un acte de naissance et de décès étaient alors délivrés et la dotation d’un prénom ainsi que l’inscription dans le livret de famille devenaient obligatoires. Mais là encore seuls les couples mariés ou les couples non mariés mais déjà parents pouvaient y prétendre.
Un premier pas fin 2001
Le 30 novembre 2001, une circulaire apportera les premières modifications quant à la reconnaissance de ces tout petits. Elle abaissera ainsi le seuil des 28 semaines à 22 semaines pour les enfants nés sans vie.
Concrètement, cette circulaire prévoit que lorsque les enfants naissent sans vie à compter de la 22 SA (ou 500g minimum), un acte d’enfant sans vie est délivré, il est inscrit à l’état civil et la dotation d’un prénom officiel devient alors possible. L’inscription sur le livret de famille est également réalisable.
Dès cette date, pour les couples non mariés et sans enfant, une inscription rétroactive sera possible, dès qu’ils obtiendront ce livret, soit par leur mariage, soit par l’arrivée d’un autre enfant (arrêté de juillet 2002).
La famille peut désormais se charger elle même de l’inhumation si elle le souhaite et les mamans peuvent prétendre au congé maternité même si parfois, faire appliquer ce droit demande une argumentation lourde et éprouvante pour les parents pas toujours entendus. Un congé qui a le mérite de laisser le temps à la maman endeuillée d’entamer son « travail de deuil ». Un congé difficilement remplaçable en durée par un arrêt de travail lorsque ce congé n’est pas accordé.
On notera aussi cette même année, qu’une première ébauche de recommandations d’accompagnement des familles voit le jour. Une avancée importante dans la reconnaissance de ces bébés qui étaient, rappelons-le associés à des « déchets médicaux » jusque là.
2008, les parents et associations sont entendus : Enfin une vraie reconnaissance
Un nouveau décret en aout 2008, complété par la circulaire de juin 2009, prend enfin en compte l’évolution des choix de vie des couples français, qui n’associent pas forcément mariage et parentalité, et surtout la place que nos tout petits prennent dans nos cœurs de parents.
Le seuil des 22 semaines est descendu à 14 semaines révolues pour les enfants nés sans vie. L’inhumation est possible par les familles mais si elles ne se sentent pas capables de le faire, l’établissement à obligation de procéder à une crémation dans un crématorium. Cela semble une évidence et pourtant il aura fallu attendre ce décret pour que ces tout petits bébés, qui ne sont plus des embryons mais des fœtus (terme médical consacré jusqu’au jour de la naissance) soient considérés comme des êtres humains et non plus comme des déchets organiques.
Autre révolution, la délivrance d’un livret de famille devient possible pour tous les couples, qu’ils soient mariés ou non.
De plus, toutes ces mesures sont rétroactives pour tous les bébés nés après le 11 janvier 1993. Ainsi tous les parents concernés peuvent faire la demande d’un livret de famille ou faire ajouter dans le leur le bébé disparu après 14 SA révolues.
Certaines communes acceptent même de remonter plus loin quand elles disposent des éléments nécessaires. Autant de tout-petits qui peuvent retrouver la place qui leur était dévolue dans la fratrie. Autant de tout-petits qui sortent de l’ombre et du silence.
Bien sûr ce récapitulatif historique de l’évolution du droit dans le domaine du deuil périnatal est loin d’être exhaustif, mais il a pour but de montrer l’évolution de la prise en compte et de la reconnaissance de la place des ces bébés dans la vie des parents survivants.
Montrer que ce deuil qu’on dit tabou entre petit à petit dans l’esprit de l’opinion publique comme un vrai deuil et que petit à petit, grâce aux parents touchés, grâce aux associations, nous pouvons donner une place à ces bébés partit trop tôt, une place que la société commence à leur reconnaitre.
J’ai, pour ma part, perdu mon fils Loïc, né sans vie en 1994. J’ai eu « la chance » d’avoir accouché juste après le fameux seuil des 28 semaines révolues et d’être mariée à son papa. Nous avons ainsi pu inscrire notre fils dans un livret de famille qui nous a été délivré, Loïc étant mon premier enfant. A quelques jours près, cette déclaration et la délivrance de ce livret auraient été impossibles. A quelques jours près, le prénom de mon fils n’aurait été que dans mon imaginaire, à quelques jours près je n’étais pas une maman endeuillée…
Je suis donc reconnaissante aux parents et associations qui se sont battus, d’avoir permis à des milliers de couples de pouvoir donner une légitimité à leur statut de parents et une reconnaissance pour leur bébé.
Vivre un deuil périnatal
Ce dossier à été conçu en collaboration avec l’association ESNPE dont la mission est d’accompagner les parents qui traversent l’épreuve du deuil périnatal. Nous vous invitons fortement à découvrir l’interview complète que nous a consacré Nicole Monteville Culas, présidente de l’Enfant Sans Nom – Parents Endeuillés pour en apprendre plus sur cette belle association. Vous pouvez également retrouver toute l’actualité et ses actions sur le site de l’Enfant Sans Nom – Parents Endeuillés.
Sachez également que si vous souhaitez partager votre témoignage avec d’autres parents ayant vécu un deuil périnatal une rubrique du forum vous est consacrée.
D’autres témoignages de parents après la reprise du travail.