Afin d’aborder au mieux le sujet du deuil périnatal, nous sommes allés à la rencontre de Nicole Monteville Culas nouvelle présidente de l’association l’Enfant Sans Nom – Parents Endeuillés (ESNPE). Bénévole passionnée et très active, elle nous parle du deuil périnatal, de son parcours et surtout de l’aide proposée par l’association ESNPE.
Qu’est ce que le deuil périnatal ?
Le deuil périnatal tel que le défini l’OMS est la perte d’un bébé viable (soit à compter de la 22ème semaine d’aménorrhée ou un poids minimum de 500g) et jusqu’au 7eme jour de vie du bébé. Dans le langage « plus courant » on parle de deuil périnatal quand la perte du bébé survient en cours de grossesse et jusqu’aux premières semaines de vie du bébé.
Qu’est ce qui vous a amené à faire du bénévolat dans ce domaine spécifique du deuil ?
Comme pour la majorité des bénévoles, on commence par s’impliquer dans un domaine qui nous touche personnellement. Je ne fais pas exception. J’ai perdu mon fils à 29 semaines de grossesse il y a bientôt 21 ans. J’ai appris à faire face à ce deuil seule. En partie par choix car l’aide que mes proches était prêt à me donner arrivait trop tôt quand j’étais encore en état de choc et dans le déni, ensuite par nécessité car cette aide n’était plus proposée quand moi j’étais prête à la recevoir.
D’autres accidents de la vie m’ont poussés à faire des recherches sur ce que j’avais vécu et si d’autres traversaient ce drame. C’est ainsi que j’ai découvert ESNPE : L’Enfant Sans Nom – Parents Endeuillés en 2008.
Présentez-nous l’Enfant Sans Nom – Parents Endeuillés.
L’Enfant Sans Nom – Parents Endeuillés a été créée en 2000 sous l’impulsion de Sophie et Matthias Helmlinger qui ont perdu entre 1994 et 1998, 3 bébés à respectivement 20 semaines, 21 semaines et presque 22 semaines de grossesse pour le 3éme bébé. Sophie Hemlinger, psychothérapeute, a voulu mettre son expérience personnelle et professionnelle au profit des parents qui, comme elle, se retrouvaient subitement confronté à l’innommable, au deuil de leur bébé.
L’association s’est donné pour ambition de répondre à 3 besoins spécifiques : apporter soutien et écoute aux parents endeuillés, sensibiliser l’opinion publique au deuil périnatal et faire évoluer la loi sur le devenir et le respect dû à ses bébés nés trop tôt et à qui la loi ne reconnaissait aucune existence.
En ce qui concerne la loi, le combat entamé avec d’autres parents à prit fin en 2008 à par l’application d’un décret qui permet aujourd’hui aux parents de déclarer leur bébé sur leur livret de famille, qu’ils soient mariés ou non à partir de la quinzième semaine de grossesse.
Vous avez découvert l’association 14 ans après avoir perdu votre bébé, qu’est-ce que l’ESNPE vous a apporté ?
Je pensais en avoir fini avec mon deuil et j’étais en paix avec moi-même. Si je ne cachais pas mon histoire j’abordais le sujet plus sur le plan « pratique et médical » qu’émotionnel. L’ESNPE m’a apprit à nommer mon fils, à ne plus cacher l’amour qu’il m’a toujours inspiré et m’a permis d’avancer dans ma vie sur tous les plans. Grâce aux autres mamans rencontrées, j’ai pu parler plus ouvertement de lui avec mes proches qui ont enfin pu m’apporter cette aide que je n’avais pas su accepter à l’époque. J’ai aussi réalisé que cet amour que je portais en moi était normal, que j’étais normale !
Aujourd’hui je sais que je n’étais pas seule pour faire ce deuil. J’ai eu la chance d’avoir des proches qui m’ont entourée même quand je ne le voyais pas. Tout le monde n’a pas cette chance malheureusement et c’est pour cette raison que des associations telle que la nôtre ont une vraie raison d’être. Il n’est jamais trop tard pour commencer à s’ouvrir et à oser parler de sa souffrance.
Je suis intimement persuadée que la parole, sous quelque forme que se soit, est le meilleur moyen de se libérer de cette souffrance et d’enfin pouvoir espérer ressentir le calme et la sérénité dans son cœur.
Quel est votre parcours au sein de l’ESNPE ?
J’ai rapidement voulu devenir active dans cette association. Je suis donc devenue membre cotisant dès 2008 pour participer aux AG et comprendre son fonctionnement. En 2011 je suis entrée au conseil d’administration et je repris le poste de trésorière en 2012. L’année suivante j’ai suggéré la création de comptes sur les réseaux sociaux, j’anime donc depuis fin 2013 la page Facebook et le compte Twitter de l’association.
Sophie Helmlinger, qui a porté l’association à bout de bras depuis 15 ans en tant que présidente fondatrice, a exprimé cette année le désir de consacrer plus de temps à des projets personnels et donc de quitter sa fonction de présidente. J’ai proposé ma candidature qui a été acceptée par le conseil d’administration. J’ai donc aujourd’hui la lourde tâche de lui succéder avec son aide puisqu’elle a accepté le poste de vice-présidente. J’anime toujours nos comptes facebook et twitter.
[box type= »info » align= » » class= » » width= » »]Retrouvez l’association ESNPE sur son site internet ainsi que sur les réseaux sociaux. [/box]
Que propose concrètement l’ESNPE ?
L’association a pour vocation d’apporter écoute et soutien aux parents. Grâce à internet (un premier site à vu le jour début des années 2000), nous avons tissé au fil des ans un réseau de parents sur toute la France. Nous avons aussi des membres en Belgique et en Suisse. Certains de ces membres ont assez de recul pour pouvoir et vouloir aider plus concrètement les parents touchés par le deuil périnatal.
Lorsque les conditions sont réunies nous mettons avec eux en place des groupes d’entraide où les parents peuvent se retrouver autour de ces bénévoles accompagnants que nous faisons former à l’écoute et à l’accompagnement par des instituts de formations agréés.
Il est primordial pour nous que nos bénévoles puissent apporter une écoute et un soutien sérieux et de qualité. A ce jour, nous avons des groupes d’entraide à Chalon sur Saône, Lyon, Pontarlier et Saint-Cloud.
Nous proposons aussi aux parents la possibilité de nous connaître et de sortir de l’isolement dans lequel trop souvent ils s’enferment en organisant des cafés rencontrés, des pique-niques, des conférences, etc… Là encore, les bénévoles actifs de l’ESNPE prennent en charge l’organisation de ces rencontres avec le soutien logistique et financier de l’association. La fréquence et les lieux dépendent donc de leurs idées et disponibilités.
L’ESNPE se donne donc pour mission d’accompagner les parents touchés par le deuil périnatal ?
Pas uniquement, même s’il s’agit de notre principale motivation. Nous essayons également de sensibiliser l’opinion publique à ce deuil qui reste tabou. C’est dans ce but que nous avons formé avec 3 autres associations (Adep56, AGAPA et Naitre et Vivre) le collectif « Une fleur, une vie » qui organise à Paris une fois par an, une journée de sensibilisation au deuil périnatal autour de la création d’un immense bouquet de roses qui sont déposées par les parents ou par le collectif pour les parents qui n’ont pu se déplacer.
Le 9 mai dernier s’est déroulée la 3eme édition de cette opération qui fut cette fois encore un beau moment pour tous et qui s’est soldée par un bouquet de plus de 1150 roses.
>> Le site « une fleur, une vie »
Qu’aimeriez-vous dire à des parents qui vivent un deuil périnatal ?
Ne vous enfermez pas dans votre souffrance ! Sortez de l’isolement ! Ne doutez pas ! Votre douleur est légitime, votre deuil n’est pas un « petit deuil ».Le deuil périnatal est un deuil à part. Il fait partie de ces deuils particulièrement difficiles car ses conséquences sont souvent niées.
Lorsque la mort d’un bébé est taboue, le deuil l’est lui aussi. Ce bébé, attendu par tous, n’a finalement pas eu le temps de trouver sa place dans sa famille au sens large du terme ce qui vous fait souvent ressentir le malaise, l’incompréhension voir le jugement de l’entourage proche. Il est donc très souvent difficile d’aborder ce deuil. La peur s’installe chez les autres.
Comment évoquer ce drame avec des parents ou futurs parents qui n’ont jamais envisagé la grossesse ou le désir d’enfant comme une possible source de souffrance. Être enceinte c’est donner la vie, comment leur dire que malheureusement l’issue est parfois bien plus douloureuse ?! Personne n’a envie d’entendre ça et c’est bien compréhensible.
Des structures comme celle que nous proposons vous donne la possibilité de pouvoir évoquer votre douleur, votre angoisse aussi de l’après sans tabou ni jugement. Échanger à votre rythme avec des parents ayant vécu ou vivant ce même drame pour vous aider à mieux appréhender les étapes incontournables du deuil.
Nous avons tous notre propre histoire et pourtant nous nous reconnaissons tous dans celles des autres parents touchés par le deuil périnatal. Pouvoir parler c’est simplement pouvoir avancer avec les autres…
Merci Nicole.
Vous pouvez partager votre témoignage avec d’autres parents en deuil sur la nouvelle rubrique du forum dédiée au deuil périnatal et modéré par l’association ESNPE.
Si vous souhaitez contacter l’association l’Enfant Sans Nom – Parents Endeuillés, vous pouvez également télécharger la plaquette.
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