La culpabilité du jeune enfant en deuil

Le petit enfant est toujours plongé dans un chaos émotionnel quand un proche décède, qu’il s’agisse de son parent, d’un frère ou d’une sœur ou de toute autre personne chère à son cœur. enfant deuil Parmi toutes les émotions qui le traversent, il en est une à laquelle les adultes qui prennent soin de lui doivent être tout particulièrement vigilants : la culpabilité.

Quand on tente de comprendre les mécanismes qui entrent en jeu dans la culpabilité d’un jeune enfant en deuil, il est important de connaître un élément essentiel du fonctionnement psychique du jeune enfant qu’on appelle la « pensée magique ».

La « pensée magique »

La « pensée magique » est très opérante chez le jeune enfant, surtout entre 4 et 7 ans (il en existe même toujours des traces chez l’adulte). De quoi s’agit-il ? Dans la pensée magique, l’enfant a tendance à croire que tout tourne autour de lui, qu’il est le centre de l’univers. Il croit qu’il a un réel pouvoir sur les gens, les objets et les circonstances de sa vie. Il croit qu’il est « toute puissant » sur son environnement par la simple force de sa pensée. Dans la « pensée magique », l’enfant est persuadé que, par ses paroles et ses pensées, il a une action directe sur son environnement et sur les gens qui l’entourent. Donc, si un décès survient dans son entourage, il va se sentir immédiatement responsable et coupable, à un degré ou à un autre. Par exemple : imaginez qu’un petit garçon se soit disputé avec son père ; il a pu lui dire: « Je te déteste ; je voudrais que tu sois mort »… et le père tombe malade et meurt. Ou encore : un enfant peut être très jaloux de sa sœur ; ils souhaitent qu’elle disparaisse pour garder ses parents pour lui tout seul. Et sa sœur a un accident et elle meurt.

Que se passe-t-il alors pour le jeune enfant ? La pensée magique le conduit aussitôt à faire le lien entre ses pensées et le décès. Il est persuadé qu’il en est responsable d’une manière ou d’une autre. Cette idée est terrifiante pour lui. Il redoute qu’on le démasque et qu’on le punisse pour cette faute.

Comme l’enfant a tendance à se sentir systématiquement coupable et responsable du décès, il est capable de tout cacher à l’intérieur de lui et de ne rien exprimer sur ce qu’il ressent. Par exemple, il peut adopter un profil bas et devenir un petit enfant extrêmement sage qui ne dérange personne et qui ne fait aucune vague. En fait, il espère passer inaperçu, afin de ne pas être puni. Il faut donc se méfier si votre enfant devient exemplaire ou trop sage après le décès, cela cache peut être un terrible sentiment de culpabilité.

De même, l’enfant peut exprimer sa culpabilité par de l’agressivité envers vous ou envers ses frères et sœurs et vous pouvez avoir du mal à clairement identifier cette culpabilité. La culpabilité peut également se manifester par une chute des résultats scolaires ou par une attitude de retrait. L’enfant peut enfin se plaindre de maux de tête ou de ventre qui sont révélateurs du stress induit par la culpabilité.

Si votre enfant reste tout seul avec sa culpabilité, cela va avoir des conséquences négatives pour lui, comme par exemple une baisse de l’estime de soi ou une tendance à la dévalorisation. Il peut arriver à se dire qu’il ne mérite pas d’être heureux ou il n’a pas le droit d’éprouver du plaisir ou encore qu’il aurait du mourir à la place de son parent, de son frère ou de sa sœur. Si vous l’entendez parler ainsi, vous pouvez être sûr qu’il souffre de culpabilité.

Aider l’enfant à dépasser la culpabilité

Un point important concernant l’enfant en deuil : contrairement à l’adulte, l’enfant s’autorise rarement à exprimer spontanément ses émotions. Il ne vient très rarement dire à un adulte : « Voilà : je me sens coupable de ceci ou de cela. Je suis en colère à cause de ceci ou à cause de cela ».

Il est donc important que vous fassiez toujours le premier pas vers lui, en ouvrant la discussion et en l’invitant directement à vous dire ce qu’il a sur le cœur. Sinon, il risquera de rester dans le silence parce qu’il ne saura pas qu’il a le droit de parler. Il se peut néanmoins qu’il n’ait pas envie de le faire au moment où vous lui proposez. Ne le forcez pas, cela ne sert à rien. Assurez lui simplement que vous êtes toujours disponible pour l’écouter, quand il le souhaitera.

Votre enfant pourra aussi tenter d’exprimer sa culpabilité, au-delà des mots, par le biais de ses jeux ou de ses dessins. Essayez donc d’être aussi vigilant que possible car il pourra vraiment vous révéler ainsi ce qui hante ses pensées.

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La manière la plus efficace de libérer votre enfant de sa culpabilité est d’en parler directement avec lui. Il ne sait pas que mettre des mots sur sa culpabilité va l’apaiser et il a donc besoin que vous l’y aidiez activement. Interrogez le directement sur ce dont il se sent coupable. Tendez lui des perches. Vous pouvez, par exemple, le rassurer, en lui disant qu’on a le droit d’être en colère contre les gens qu’on aime, sans pour autant qu’il y ait de graves conséquences. Il est important de l’aider à « désamorcer » la pensée magique en lui répétant, encore et encore, que, même si on souhaite parfois que quelqu’un meure, les paroles et les pensées n’ont pas le pouvoir de tuer. Il faut lui affirmer, sans l’ombre d’un doute, qu’il n’est pas responsable du décès.

Si votre enfant persiste à se désigner comme coupable, n’oubliez pas que sa culpabilité pourrait être apaisée par un rituel de deuil. Vous pouvez, par exemple, l’aider à écrire une petite lettre (d’amour, d’excuse ou de réconciliation) à son parent disparu qu’il déposera symboliquement sur sa tombe ou qu’il accrochera à un ballon qu’il lâchera dans le ciel. Tous ces gestes prennent une valeur de réparation à laquelle votre enfant pourra être très sensible. Cela l’aidera à se désengager de sa culpabilité.

Au besoin, si vous vous rendez compte qu’il y a des choses dont il refuse de vous parler et qui tournent autour de la culpabilité, vous pouvez lui proposer d’aller consulter un psy pour enfants, en lui parlant d’une « dame » ou d’un « monsieur » avec qui il pourra parler et qui gardera tous ses secrets, sans rien vous en dire.

Enfin, même si votre enfant n’exprime pas de culpabilité, répétez lui – dans le doute – qu’il n’est en rien responsable de ce qui s’est passé. Ceci semble évident pour vous, l’adulte, mais comme la culpabilité est très fréquente chez l’enfant en deuil, vous ne risquez rien à lui dire. On ne sait jamais : il est possible que votre enfant soit extrêmement soulagé que vous lui parliez ainsi.

Textes extraits de traverserledeuil.com

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