Il n’y a pas de mots pour décrire ce que peuvent ressentir les parents qui perdent un enfant tant la douleur est insoutenable, abominable, inqualifiable. Les images qui me viennent à l’esprit pour évoquer ce drame sont la terre qui se dérobe sous les pieds lors d’un tremblement de terre ou le lancer d’une bombe atomique juste au dessus de la maison.
En une fraction de seconde, la vie s’arrête et bascule dans un ailleurs inconnu où tout est détruit.
La perte d’un enfant dans un accident de voiture, un choc d’une violence inouï
J’ai vécu ce cataclysme il y a 20 ans, placée aux premières loges, puisque j’ai perdu ma nièce, la fille de ma sœur. Elle s’appelait Blandine, elle avait 17 ans. On avait prévu de fêter ses 18 ans quelques semaines plus tard. Elle nous a quittés de façon extrêmement brutale, dans un accident de voiture. Elle était à l’arrière, elle n’avait pas attaché sa ceinture de sécurité. Ce jour là, elle ne savait pas qu’elle avait remis sa vie entre les mains d’un adolescent inconscient et inexpérimenté qui avait envie d’impressionner les copains, en appuyant à fond sur l’accélérateur.
C’était le 15 août 2000, ça s’est passé en début d’après-midi sur une petite route de Lozère.
Perdre son enfant dans de telles circonstances est extrêmement destructeur pour les parents et l’entourage.
Je me souviens des mots que ma sœur a posés, quelques temps plus tard, sur son ressenti lors de l’annonce de la terrible nouvelle « J’ai entendu comme une détonation dans ma tête, quelque chose s’est rompu à jamais dans mon cerveau » .
Même si la douleur est tout aussi immense et inacceptable quand il s’agit d’une maladie, l’accident ne permet pas aux parents de se préparer au
départ de l’enfant. Dans les moments qui le précèdent, on est dans la vie, on a des projets, on est heureux.
Pour ma sœur, la seule façon d’exprimer cette douleur innommable a été de crier. Des cris sans fin. Des cris d’horreur. Des cris de désespoir. Des cris qu’il m’arrive de reconnaître, parfois, lors d’un journal télévisé, quand un père ou une mère tient dans les bras son enfant mort lors d’un séisme ou tué sous les balles, à l’autre bout du monde.
Les larmes me montent immédiatement aux yeux.
Dans le long processus du deuil, seul le temps parvient à apaiser la douleur. Au début, on n’y croit pas. On pense que l’on va errer sans fin dans ce tourbillon de malheur. Néanmoins, petit à petit, au fil des jours, des semaines, des mois et des années, il fait son chemin. La route est longue,
il faut s’accrocher. Quelquefois, on croit avancer puis on fait marche arrière parce qu’on est épuisé de lutter. Puis le temps passe encore et malgré tout, il laisse la place à une autre vie.
Les bienfaits de l’écriture durant le deuil
Il m’a fallu beaucoup de temps pour prendre la décision d’écrire le livre « Blandine Bauducco, un destin brisé ». Cela faisait longtemps que j’y pensais pourtant, très longtemps. Peut-être depuis le premier jour.
Toutefois, à l’époque, j’en étais bien incapable car la souffrance était trop vive, il fallait d’abord essayer de survivre et surtout veiller sur ma sœur, mon beau-frère et ma nièce, Adeline, la petite sœur de 14 ans.
Aujourd’hui, 20 ans sont passés. 20 ans de cette absence définitive où toute la famille pense à Blandine pratiquement en permanence. Elle est dans nos cœurs à jamais.
Plusieurs raisons m’ont conduite à écrire mon récit.
La première s’est d’abord imposée : rendre hommage à ma nièce chérie, à ma famille et tous ceux qui l’ont aimée mais je crois bien que c’était aussi pour la retrouver, de façon égoïste, pendant les deux mois d’écriture à travers les souvenirs, les plus beaux, les plus marquants que nous avons partagés elle et moi. Il est vrai qu’avec les proches, il n’est pas facile d’en parler car on sait qu’on va pleurer si on l’évoque, alors bien souvent, on préfère ne rien dire.
Très vite, il m’est apparu comme une évidence de donner son nom au titre : « Blandine Bauducco », auquel la maison d’édition a jugé utile d’inclure le sous-titre « Un destin brisé ». Pour l’ajout du nom de famille, je ne pouvais pas m’en tenir à « Blandine », seulement. Des Blandine, il yen a d’autres. Notre Blandine, c’est Blandine Bauducco, notre beauté, notre chanteuse à la voix d’or, notre adolescente pleine de fougue et de générosité aux origines italiennes.
Dans un premier temps, j’ai évoqué l’accident, l’indescriptible douleur de ma soeur et son mari. J’ai voulu exprimer la réalité des faits, les sentiments à vif, afin que le lecteur s’immerge dans le labyrinthe de l’horreur et prenne la mesure de l’état de détresse des parents.
J’insiste sur ce point même si je n’en parle pas forcément dans le livre mais je pense que tous les parents dans la tourmente du deuil ont dû affronter la maladresse de l’entourage ou de personnes croisées dans la rue qui auraient mieux fait de se taire à ce moment précis. Il peut s’agir d’une voisine qui demande au bout de quelques mois « Alors, ça va mieux maintenant ? » ou encore les amis qui rendent visite avec de la joie dans les yeux et de l’effervescence dans les gestes en proposant des activités en tous genres pour se changer les idées. Ce peut être aussi des paroles comme « Il faut vous ressaisir maintenant, ça ne peut pas durer éternellement, bougez-vous ».
Non, les parents en deuil ne peuvent pas se ressaisir comme ça et ça peut effectivement durer éternellement alors il faut faire attention. Pour les aider, il faut être là, présents à leur côté, àl’écoute de leur état de santé physique et mentale, au jour le jour. Il faut comprendre qu’ils sont
devenus de petits êtres fragiles et frileux, semblables à des oisillons tombés du nid qu’il faut réchauffer dans du coton avec beaucoup de délicatesse.
L’espoir au bout de la route, les signes de Blandine
Par la suite, je raconte la lente reconstruction de ma sœur et mon beau-frère, la vie qui reprend tout doucement, qui va, qui vient et se remplit d’autres naissances, d’autres enfants dans la famille, ponctuée par les souvenirs et les signes que Blandine nous envoie de là-haut pour nous dire
qu’après, ce n’est pas la fin.
En effet, j’ai voulu donner une note d’espoir à tous les parents qui perdent un enfant en témoignant de tous ces signes auxquels je ne voulais pas croire au début, pensant que je les inventais pour me rassurer. Aujourd’hui, je peux dire qu’ils sont bien réels car après tant de manifestations plus incroyables les unes que les autres, je ne doute plus.
Contrairement à d’autres familles endeuillées avec lesquelles nous avons échangé, je prends conscience que nous avons eu la chance d’en recevoir beaucoup et je mesure chaque jour ce privilège. Pour indication, à l’attention des parents à la recherche d’un contact avec leur enfant
disparu, je dirais qu’il ne faut pas se décourager si rien ne se produit au départ, car après observation, j’ai pu constater que dans les moments de grand désespoir, les défunts avaient du mal à communiquer avec nous et c’est sans doute pour cette raison que Blandine est souvent passée par
moi, sa tata, moins meurtrie que les parents, malgré mon immense chagrin, pour délivrer ses messages juste après le drame.
J’ajouterais qu’il ne faut pas rechercher les signes mais attendre qu’ils se manifestent car bien souvent, ils surviennent quand on ne s’y attend pas et sous une apparence à
laquelle on n’avait pas pensé.
Mais d’autres formes de communication peuvent se produire, notamment les rêves. Comme je l’évoque dans mon récit, j’en ferai l’expérience au travers d’un songe qui trouvera écho dans la réalité et permettra de donner du sens à la disparition de ma nièce chérie.
En tout état de cause, il est évident que le contact entre les deux mondes ne va pas de soi et que face à la résistance que nous avons opposée à ses clins d’oeil, Blandine a dû se donner beaucoup de mal pour nous atteindre mais je reconnais bien là son caractère persévérant, d’une volonté à toute épreuve et débordant d’imagination.
Pour conclure, je ne peux pas dire que l’écriture m’a véritablement permis de faire mon deuil car c’est au fil de ces vingt années qu’il s’est effectué, à son rythme, lentement ou brutalement, avec les phases de sidération, de refus, de colère, de culpabilité et d’acceptation qu’il faut franchir. Pour
autant, je crois qu’elle a été un moyen d’exprimer ma version des faits, mon propre ressenti, que j’ai longtemps tu, par peur de rajouter de la peine à celle de mes proches.
Si je devais résumer de façon simple et sincère la force qui m’a animée pour écrire, je dirais que c’est l’amour que Blandine m’envoie depuis l’endroit où elle se trouve pour le partager avec ceux qui souffrent après la perte d’un enfant et qui ont besoin de lumière.
Les mots qui reviennent le plus souvent pour qualifier le récit sont « apaisement, résilience, espoir » et ce sont précisément les sentiments qui m’animent car désormais, je suis intimement convaincue que nos proches disparus ne nous quittent pas même si on ne les voit plus.
MERCI pour ce témoignage fort, qui me donne envie de lire le livre, car perdre un enfant de mort violente, c’est ce qui est expliqué par Sandrine VEYRET : « Des cris sans fin. Des cris d’horreur. Des cris de désespoir. » Je ne sais pas encore s’il y a « un espoir au bout de la route ».
Quelles belles paroles ce matin.
Bonjour,
Je suis contente de voir quelqu’un pouvoir en parler après 20 ans de l’accident. Car j’ai moi-même ce problème avec la perte de mon cousin paternel qui date depuis déjà 2002. J’y pense souvent, et le pire c’est que je maintien toujours la théorie que ce n’est pas lui qui est mort , et qu’il reviendra frapper à notre porte un jour. Qui sait ? , du moment que personne n’a été autorisé à voir son visage ce jour là (vu que c’était un accident de voiture foudroyant). Donc, Personne ne peut me convaincre alors que la personne que nous avons enterrée ce jour là est bien lui. C’est un feu immense qui me consume pour savoir la vérité !
ce document a l’endroit d’une des votres, m’impression profondement, et m’amene a des pauses interieures qui, sans doute, me serviront tout au long du chemin de deuil des miens: ensemble nous nous inspirons et,
silencieusement, nous nous respectons,Xxx.
Ma fille a perdu son compagnon il y a un petit mois, une éternité … Quelques secondes et tout bascule … Pour les parents, la sœur et ma fille c’est le monde qui s’est arrêté de tourner… je ne sais pas encore comment ma fille vivra la suite car pour elle il n’y a pas de suite possible, tout s’est figé et oui je reconnais les cris dont vous parlez, ces hurlements de douleur venant du plus profond de soi, jamais je n’oublierai ces cris de ma fille… Il était sa moitié et comment expliquer que oui, seul le temps pourra aider, comme expliquer que la blessure deviendra cicatrice un jour et que oui, jamais elle n’oubliera et quelque part toujours elle l’attendra… Elle guette des signes chaque soir, dans le ciel, sur la terrasse, elle nomme les ombres, les nuages, tout lui ressemble, tout est lui … puis elle rentre et elle espère encore. Perdre un proche brutalement est la pire des morts car nul n’y est préparé, quelques minutes avant on est dans la Vie et puis c’est fini. Nous avons tous quelque part une heure, un jour, un lieu qui nous attend, le seul message est qu’il faut Vivre chaque instant intensément car le chemin est une impasse quoi qu’il arrive. Bon courage à tous
bonjour, je suis bouleversée par tous ces témoignages et je sais à quel point la douleur ne trouve pas de limite dans le temps qui passe; j’ai perdu mon cher mari il y a un peu plus de sept ans d’une maladie dégénérative et aujourd’hui encore il y a des jours ou je me dis qu’il va me revenir. je donnerai cher de ma vie pour simplement prendre un petit déjeuner auprès de lui et lui demander comment ça va. je vous adresse à tous et toutes mes pensées les plus sincères. nous avons une amie en commun qui ne nous quitte jamais c »est l’absence de l’être aimé; amitiés sincères