Apprivoiser le deuil

« Comment fait-on pour traverser un deuil ? On parle si peu de ce moment si difficile de l’existence.

J’ai perdu mon fils, accidentellement, il y a deux ans et je peux dire que j’ai cessé de vivre depuis l’annonce de son décès. Comme j’ai une profession intéressante, je me réfugie dans mon travail depuis ce moment-là.

Je fais en sorte que les gens ne m’en parlent pas. J’évite tout ce qui me rappelle sa présence. Mais je sens bien que je survis, je ne vis pas vraiment. J’ai coupé les contacts avec mon ex-mari et parfois j’envisage même de m’en aller vivre très loin quand je prendrai ma retraite. »

Traverser le deuil

Oui, il est vrai qu’on n’aborde pas facilement la problématique du deuil. On a même tendance à en parler, publiquement, le moins possible. Autrefois, il y a 50 ans et plus, la perte d’un être cher était un événement public. Le nom du défunt était inscrit dans de petites cassettes vitrées au coin de quelques rues de la ville ou du village, comme ça l’est encore dans certaines localités. Les cloches de l’Eglise sonnaient pour annoncer le culte ou la messe en l’honneur du défunt.

Tout a bien changé et rapidement. Aujourd’hui, le nombre de défunts sont inhumés ou crématisés sans cérémonie, dans la plus stricte intimité.

Il n’y a plus de place pour le chagrin, pour le partage, pour le réconfort, pour faire mémoire de celui ou celle qui nous a quitté. Il n’y a pas de temps à perdre, la vie continue !

Pourtant, le deuil est l’une des expériences les plus communes, les plus douloureuses, les plus profondément humaines, personne n’est épargné. Cette conscience d’une sorte de fraternité dans le chagrin est l’un des remèdes efficaces : pouvoir partager, parler, mettre des mots sur cette douleur qui tord le cœur, c’est l’un des moyens de traverser ce temps de deuil.

Le Dr. Christophe Fauré, grand spécialiste du deuil, insiste sur ce partage, sur l’écoute qui peut être offerte aux endeuillés. C’est le but de tout ce qui est mis sur pied pour accompagner les endeuillés qui le souhaitent : groupes de parole, café-deuil, ligne de téléphone gratuite avec des bénévoles formés à l’écoute.

Cependant, ces offres ne correspondent pas à tout le monde, certains préfèrent ne pas parler de leur chagrin. Ils utilisent l’énergie des émotions de colère, de peur, en les investissant dans des activités diverses.

C’est pourtant la tristesse qui est l’émotion centrale dans le deuil et cette émotion entre en conflit avec notre désir d’être fort et de pouvoir se débrouiller tout seul.

Il y a pourtant un prix à payer pour cette non prise en compte, ce déni de notre tristesse, qui est perçue comme quelque chose d’indésirable.

La tristesse signale que notre cœur est « brisé » et qu’il a besoin de pouvoir s’exprimer, pleurer, trouver de la consolation.

On peut décider de ne pas donner d’attention aux besoins de notre cœur, mais cela a comme résultat de nous mettre à distance de nous-mêmes, de la vie et des autres. On peut même se durcir et devenir désespéré.

Des moyens pour accepter le chagrin du deuil

Il s’agit tout d’abord « d’honorer » ce chagrin. L’intensité du deuil est en rapport avec l’amour qui reliait les deux personnes. On n’est pas réellement en deuil de quelqu’un qui nous est indifférent.

La tristesse fait partie du processus de perte et de séparation : il est utile de se donner la permission de la ressentir et de la vivre. On peut se donner des moments pendant lesquels on regarde des photos, écoute une chanson qu’il aimait, relis ses derniers mails, et pendant ces instants, on se laisse pleurer, on laisse son cœur s’ouvrir, exprimer toute la tristesse qu’il contient.

Certains craignent de ne pas pouvoir s’arrêter s’ils commencent à pleurer, c’est une illusion. Au contraire, exprimer cette tristesse, accueillir ces larmes, cela apporte un grand soulagement et l’on retrouve cette détente intérieure si importante, on peut aussi écrire ce que l’on ressent, peindre, dessiner, écouter de la musique ou jouer d’un instrument, ou marcher seul dans la nature.

« Traverser le deuil », c’est se prendre en considération, c’est accepter cette douleur émotionnelle et voir combien il est nécessaire de l’exprimer.

Lorsqu’il y a de la culpabilité, et il y en a toujours un peu, car aucune relation humaine n’est parfaite, on peut écrire au défunt et lui dire ce que l’on ressent, puis ensuite, on peut brûler cette lettre. Le plus difficile, c’est parfois de se pardonner à soi, d’accepter d’être humain, donc imparfait.

Accepter le réconfort des autres

Les rites de deuil que l’on délaisse aujourd’hui, avaient pour but de resserrer les rangs entre survivants, de se donner du réconfort, de faire mémoire ensemble.

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Bien sûr, tout cela a un coût, en temps, en organisation, en finances, mais le réconfort qu’on peut en retirer est énorme.

Un père endeuillé par la mort de sa fille disait : « sentir que tous les amis de ma fille étaient là, qu’ils avaient pris le temps de s’arrêter, de venir assister à la cérémonie, voir mes collègues, la famille, et celle de ma femme, je me suis senti soutenu et membre de cette communauté humaine si précieuse alors que nous traversions cette épreuve si douloureuse. »

Ce n’est pas en annulant la tristesse, en niant le chagrin que l’on peut avancer vers une nouvelle page de vie, c’est en honorant sa peine, son chagrin, en leur donnant la place et le temps qu’ils méritent.

A vous, chère correspondante, je souhaite paix et courage pour aller de l’avant et à chacun de vous, amis lecteurs, une très belle semaine.

Extrait des conversations de deuil de Rosette Poletti pour Vivre son deuil Suisse : https://www.vivresondeuil-suisse.ch/

Pour aller plus loin

Christophe Fauré, Vivre le deuil au jour le jour, Ed. Albin Michel

Rosette Poletti, Comment se dire adieu, Ed. Jouvence

Elisabeth Kübler-Ross – David Kessler, Sur le chagrin et le deuil, Ed. Pocket

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