Étude sur le deuil en France – Quatre Français sur dix se sentent en deuil d’un proche

Ce lundi 3 octobre, j’ai eu la chance d’assister aux premières Assises du funéraire organisées par la CSNAF au Palais du Luxembourg, avec pour thème : « Mieux accompagner le deuil : Un enjeu majeur de la société française ». Pour la première fois, se tenait au cœur du Sénat, un débat sur l’accompagnement du deuil. On y apprenait notamment qu’en 2016, un Français sur quatre se sent en deuil d’un proche. Je me devais de vous livrer dès aujourd’hui les premiers enseignements de cette journée marquée par la présence de J.P Sueur, sénateur du Loiret. Bien sûr, j’y reviendrai plus en détails dans un dossier complet.

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Près d’un français sur quatre se ressent en deuil en 2016 selon une étude Crédoc.

À l’occasion de cet évènement, le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) publiait une enquête inédite sur le rapport des Français à la mort et au deuil. Avec l’ambition d’appréhender de manière plus globale la question du deuil dans notre société, ce rapport a le mérite de se pencher sur l’un des phénomènes sociaux les plus négligés par les sociologues jusque-là : le vécu du deuil en France.
En effet, bien qu’il existe depuis 2013 un Observatoire national du suicide, rien de tel n’a encore été mis en place pour le deuil et encore trop peu de recherches sont engagées.

[box type= »info » align= »alignright » class= » » width= » »] « 39 % des endeuillés ont connu des effets psychologiques, comme pour la moitié d’entre eux, une perte intense du goût de vivre, voir même des pensées suicidaires pour 12% d’entre eux. Pour la majorité, cela a duré plus de 6 mois. »[/box]

Pourtant, si la dimension sociale – plus « visible » du deuil – tend progressivement à disparaître de la sphère publique pour se vivre de manière plus intime dans la sphère privée, le deuil ne fait pas moins partie du quotidien des Français. En effet, plus de 85 % des Français déclarent avoir déjà vécu la perte d’un proche et 4 adultes sur 10 se sentent en deuil d’un proche en 2016. Cette étude nous confirme ainsi que le deuil reste l’une des épreuves de vie les plus partagée.

Ayant porté sur 3071 personnes majeures, ce rapport nous livre donc des chiffres clés afin de mieux cerner les réalités du deuil en France et d’éclaircir notre compréhension des zones d’ombres qui persistent autour d’un sujet encore trop tabou : « Quelles étapes caractérisent aujourd’hui le vécu du deuil ? », « Quelles circonstances conduisent à des deuils plus difficiles ?», « Quels sont les soutiens les plus déterminants ?», « Durant combien de temps se ressent-on en deuil », ou encore « Qu’est-ce qui impact le plus le quotidien d’un endeuillé ? ».

[box type= »download » align= »aligncenter » class= » » width= » »]« Mieux accompagner le deuil : un enjeu majeur de la société française »[button color= »blue » size= »small » link= »http://deuil.comemo.org/wp-content/uploads/2016/10/assise-deuil-funeraire.pdf » icon= »download » target= »true »]Télécharger le compte-rendu[/button][/box]

Quelques enseignements importants

etude-deuil-france-4-francais-sur-10Nous l’avons vu, près de 4 adultes sur 10 se considèrent en deuil en 2016 (voir graphique ci-contre), et quand on interroge la génération des personnes âgées entre 45 -54 ans, on remarque que cela concerne presque une personne sur deux.

Après un an, seulement 16 % des endeuillés ayant participé à l’enquête déclarent avoir « terminé leur deuil ». Bien qu’il soit, à mon sens, très difficile de fixer une date de fin à un processus qui nous change à jamais, ce rapport permet de tordre le cou à une idée reçue très répandue : le temps du deuil ne se compte ni en jours, semaines ou mois, mais bien en années.

« Cela fait plusieurs mois maintenant, il va bien falloir passer à autre chose tout de même ! » – parole maladroite d’une personne que nous avons tous croisé un jour dans notre entourage.

Car si l’étude montre que la première année est la plus difficile à vivre, elle met surtout en évidence que le temps du deuil est long. En effet, plus de 42 % des endeuillés affirment ressentir les émotions du deuil 5 ans au delà de la date du décès. Ils sont donc 4 sur 10 à se sentir encore en deuil, même 5 ans plus tard. Voilà un chiffre qui, espérons-le, changera les idées reçues  au sujet de la durée du processus de deuil.

> À lire aussi : Combien de temps dure le deuil ?

[box type= »info » align= »alignright » class= » » width= » »] 42 % des actifs vivant déclarent avoir dû cesser leur activité professionnelle pendant un temps. Pour 29 %, cela a duré plus d’un mois.[/box]

L’influence de la période de fin de vie sur le vécu du deuil

Un autre grand enseignement de cette étude concerne l’impact des conditions de la fin de vie sur le vécu de deuil des proches survivants.

deces-domicile-franceEn 2016, la quasi-totalité des naissances et près de 8 décès sur 10 ont lieu en milieu hospitalier. Au cours du 20ème siècle, l’hôpital est devenu l’endroit qui marque l’aube et le crépuscule de la vie des Français : on y commence et l’on y finit ses jours. Pourtant, à contre-courant de cette réalité, les résultats de l’enquête mettent en évidence un fait marquant : le décès d’un proche est moins bien vécu lorsqu’il a lieu hors du domicile, et encore moins lorsque celui-ci a lieu dans l’espace public (voir diagramme ci-contre).

Si des progrès sont encore à faire dans l’annonce du diagnostic, (qui, pour le personnel hospitalier, peut-être vécu comme un échec médical), l’enquête met néanmoins en avant le rôle déterminant joué par les soignants durant ces derniers instants. Le deuil est vécu de manière plus sereine lorsque l’accompagnement de fin de vie a été « très bien pris en charge ». Je vous invite d’ailleurs à découvrir les témoignages émouvants de Marion Berthelage, de l’association l’Envolée d’or, qui évoque son quotidien d’aide-soignante en service gériatrique dans de courts billets.

« Mon père, j’ai pu lui parler, le serrer dans mes bras. Ça m’a aidée » – Une femme de 68 ans témoignant pour l’étude.

Enfin, disposer d’un temps d’échange pour se dire « au revoir » et mettre les « choses au clair » atténue la souffrance du deuil à vivre. Là aussi, cette information interpelle, car pour beaucoup, une « belle mort » est souvent assimilée à une mort soudaine ou inopinée (durant le sommeil, par exemple). Vivre une fin de vie hospitalisé est une expérience souvent redoutée et synonyme de souffrance. Il apparaît pourtant dans ce rapport qu’une mort «brutale» a une incidence directe sur le deuil des survivants. Dans ces circonstances (1 décès sur 5 en France), les endeuillés expriment plus souvent un vécu de deuil douloureux que lorsque la fin de vie est progressive et accompagnée.

Ce que confirme le rapport

Le temps des obsèques est un moment privilégié qui joue un rôle apaisant au moment d’initier le processus de deuil. Malgré le recul du recours aux rituels collectifs, participer aux cérémonies funéraires permet (notamment aux plus jeunes) d’exprimer ses émotions, de « dire au revoir » et de rendre un dernier hommage au défunt.

> À lire aussi : Le deuil, une période dédiée au « travail de mémoire »

famille-soutien-deuilEnfin, l’un des besoins primordiaux exprimé par les personnes en deuil reste celui « d’être entendu », de pouvoir mettre des mots sur les maux. La majorité trouve ce soutien auprès du réseau familial et des amis proches. Pourtant, j’aimerais conclure avec un constat qui m’a particulièrement affecté. Au cours de mes années d’accompagnement en association, j’ai pu constaté que malgré leurs bienfaits plébiscités par la grande majorité des personnes accompagnés par des bénévoles, les associations qui accompagnent le deuil sont encore trop largement méconnues.

L’étude montre que malgré leur gratuité et la grande qualité des services proposés, seulement 3% des endeuillés ont connaissance de leur existence.

Je vous encourage à découvrir les nombreux portraits de bénévoles que j’ai pu réaliser. Ils mettent en avant les formidables actions des hommes et des femmes qui se sont donnés pour mission d’accompagner les chemins de deuil. Voici également la liste des associations qui accompagnent le deuil partout en France et à l’étranger.

> À lire aussi : Comment solliciter de l’aide durant le deuil  ?

Les couleurs du deuil sont diverses, ce qui en fait un processus complexe à appréhender. Un simple rapport ne saurait le dépeindre entièrement. Pourtant, si cette étude a ses limites, elle a le mérite d’avoir donné la parole aux endeuillés, encore trop peu écoutés. Je vous invite ainsi à télécharger le rapport sur le vécu de deuil en France en 2016 et à me faire part de vos observations en commentaire.

(Participez à libérer la parole autour du processus de deuil en partageant cet article avec votre entourage ou sur les réseaux sociaux.)

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  • toutes ces vraies reflexions sont de nature a m’accompagner dans mon cheminement du deuil, beaucoup de reconfort dans les chansons qui parlent jusqu’au fond du coeur merci de me donner une si honorable presence!…

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